Ce chapitre de l'histoire du Pont du Gard a été longuement traité par Emile Espérandieu, auteur du premier ouvrage de synthèse sur l'aqueduc de Nîmes, il y a bientôt 100 ans. Je n'en ferai ici qu'un résumé.
Le Pont du Gard a été bâti uniquement pour supporter l'aqueduc amenant l'eau d'Uzès à Nîmes. Cependant, on peut penser que dès le début, des voyageurs l'empruntèrent pour franchir le Gardon. On sait aussi que, par ailleurs, des bacs permettaient également de traverser la rivière à cet endroit là.
En 1295, un droit de péage, cédé au Seigneur d'Uzès par Philippe Le Bel sanctionnait ceux qui l'utilisaient.
Or, un dessin de Jean Poldo d'Albenas, en 1557, montre que les piles du second rang d'arches ont été largement échancrées afin de permettre le passage des attelages. Ce passage existait peut-être déjà en 1295 car les droits de péages taxaient davantage le transport des marchandises que les simples voyageurs.
Mais au début du XVIIIe siècle, considérant, à juste titre, que la réduction de la section des piles constituait une menace d'effondrement de l'édifice, les États du Languedoc décidèrent de colmater les piles et de faire dans leur axe des encorbellements pour permettre la traversée du pont. Cependant, ces encorbellements étaient trop étroits pour le passage des chariots.
Un demi siècle plus tard, devant la nécessité de plus en plus pressante d'une véritable voie de circulation, les États Généraux décident de construire une route accolée au pont à hauteur du second rang. Les travaux dirigés par l'ingénieur Pitot furent menés de 1743 à 1747. Malheureusement aucun travail de restauration ne fut entrepris et le bel édifice était dans un état déplorable. Des morceaux entiers de l'aqueduc avaient disparu, surtout au niveau du troisième étage, il était percé de trous et de fissures, l'eau qui ruisselait désagrégeait les blocs de calcaire, le chef duvre devenait une ruine.
En 1834, Prosper Mérimée qui allait être nommé directeur général des monuments historiques visita le Pont du Gard et l'idée lui fut soumise d'une restauration générale du monument. Mais celle-ci entraînait des travaux considérables et d'un coût conséquent. Aussi, il fut seulement procédé à de petites réparations de colmatage, entre 1843 et 1845, sous la direction de Charles Questel à qui on doit cependant l'escalier en colimaçon de la rive gauche permettant d'accéder au troisième étage.
Néanmoins, l'idée de départ fit doucement son chemin et l'empereur Napoléon III, passant par-là en 1852, tomba, lui aussi, sous le charme du vieil édifice et se laissa convaincre de la nécessité d'une restauration totale de ce témoin unique de la grandeur d'un empire défunt.
De nouveaux travaux furent menés de 1855 à 1857 par Jean-Charles Laisné qui dut faire preuve d'une énergie équivalente à celle des bâtisseurs du monument tant celui-ci était en mauvais état. Les infiltrations étaient telles que les eaux pluviales avaient rongé les pierres au point que certains voussoirs avaient diminué d'un tiers du volume. On s'aperçut que le monument qui, de prime abord, présentait déjà une façade pitoyable, menaçait, en fait, de s'écrouler. Espérandieu raconte cette anecdote "A la reprise de la neuvième arcade, lorsqu'on mit à découvert les anciens voussoirs cachés par le plâtrage du début du XVIIIe siècle, un tel spectacle s'offrit aux ouvriers qu'ils s'enfuirent épouvantés. Deux voussoirs de la bande du milieu faisaient défaut ; les deux parties de cette bande n'étaient plus reliées que par deux étrésillons dont la destruction prochaine n'eut pas manqué d'entraîner celle de la voûte".
Les voûtes, leur couverture, les piles, tout fut repris, consolidé ou remplacé. Pour finir, il fut décidé de séparer totalement la nouvelle route du Pont du Gard auquel elle avait été directement accolée par Pitot, afin que l'eau ruisselant sur la route ne s'écoule pas sur le pont.
L'ensemble des travaux avait nécessité la mise en place de 2500 m3 de pierres dont plus de la moitié à une hauteur supérieure à 20 mètres, et avait finalement coûté environ 200.000 Francs or.
Depuis, le Pont du Gard fait l'objet d'une surveillance constante et, récemment encore, quelques travaux délicats ont été faits afin de renforcer deux piles dont les roches qui les supportent étaient attaquées par l'écoulement des eaux du Gardon.
Le Pont du Gard a été pillé mais sa construction a aussi été imitée au moyen âge, notamment par la façon de faire saillir les claveaux sous la voûte afin de diminuer la dimension des cintres de bois servant à supporter celle-ci. Également, la technique des arcs doubleaux juxtaposés a souvent été reprise pour les ponts ; on en a un bon exemple avec le pont Saint Bénezet à Avignon et également le pont de Pont Saint Esprit..