Les aqueducs - Aqua Caducea - furent fort nombreux. A Rome, il y en avait dix neuf au Bas Empire. Dans le Sud de la France, on en trouvait également onze à Vienne, quatre à Lyon, cinq à Aix, deux à Arles, d'autres à Avignon, Vaison, Fréjus, Toulouse et, bien sûr, à Nîmes. A l'étranger, en dehors de ceux de Rome, les plus célèbres sont ceux de Carthage, de Cherchell en Algérie, et en Espagne, ceux de Tarragone, Ségovie et Mérida.
En général, l'aqueduc proprement dit est formé d'un radier en béton et de deux pieds-droits maçonnés avec des moellons. L'intérieur est recouvert d'une épaisseur d'enduit d'étanchéité. Un solin est déposé à la jointure des pieds-droits et du radier. Afin de parfaire l'étanchéité, le tout est nappé d'un enduit spécial, rougeâtre, dont Pline l'Ancien nous livre la composition : chaux, vin, lait de figue et graisse de porc. En réalité, l'analyse de cette peinture indique qu'elle est à base d'oxyde de fer. La canalisation est couverte avec des vousseaux disposés en plein cintre ou, tout simplement, d'une dalle. Des regards permettant de contrôler ou de nettoyer la conduite étaient placés à intervalles plus ou moins réguliers tout le long du parcours.
Pour compenser la différence de hauteur par rapport au sol, le radier est posé sur un mur de soutènement fait de pierres et de mortier. Ce mur peut atteindre deux mètres de hauteur, au-delà de quoi, pour des raisons de poids, il faudra le remplacer par des arches - Opus Arcuatum -. Si les arches doivent dépasser plusieurs dizaines de mètres de hauteur, on les remplacera, là aussi pour alléger l'ensemble, par un système de plusieurs arches superposées de tailles décroissantes, celles du haut étant les plus petites. Les constructions les plus grandioses ont au maximum trois arches. Pour augmenter la solidité des piles, on pourra y ajouter des contreforts latéraux en forme de coin comme à Fréjus ou poser des entretoises entre les piles comme à Ségovie et dans la plupart des aqueducs dEspagne.
Quelquefois, s'apercevant ou, tout simplement, pressentant un manque de solidité de l'ensemble, les constructeurs ou leurs successeurs n'hésitèrent pas à doubler l'épaisseur des murs par une deuxième rangée de pierres juxtaposées à la première, ou alors ils bouchèrent méticuleusement certaines arches.
Pour obtenir une rigidité maximale, chaque pierre, chaque brique a été méticuleusement découpée, taillée, équarrie ou biseautée, afin de se coller parfaitement à sa voisine et l'on reste encore confondu devant ces millions de briques ajoutées les unes aux autres comme autant de perles à un collier gigantesque.
Les ponts n'étaient pas le seul moyen de franchir une dépression et, quelquefois, les Romains ont employé la technique de la conduite forcée en plomb par siphon inversé.
Mais ce système était très coûteux car la quantité de plomb nécessaire pour confectionner ces tuyaux de trente centimètres de diamètre était énorme. Les exemples les plus typiques de l'emploi de ces conduites sont à Lyon où l'on en dénombre huit.
Lorsqu'il
s'agissait, au contraire, de franchir un obstacle en hauteur
comme une colline, les Romains creusaient un tunnel, à condition
que la roche ne soit pas trop dure car ils ne connaissaient pas
la dynamite. Sinon, ils contournaient l'obstacle. En cas de
cheminement dans des terrains légèrement surélevés par
rapport au niveau de la conduite, des tranchées quelquefois
assez profondes étaient creusées, y compris dans la roche dont
les parois pouvaient alors servir de pieds-droits à l'aqueduc.
Une des principales difficultés dans la construction dun aqueduc était le problème de la pente qui devait être à peu près constante depuis la source jusqu'au réservoir mais qui était souvent extrêmement faible - seulement trois dixièmes de millimètre par mètre, en moyenne, pour l'aqueduc de Nîmes -.
Pour édifier ces aqueducs, les ingénieurs romains disposaient essentiellement de deux appareils de mesure : le chorobate, qui était un niveau avec fil à plomb et la groma, instrument constitué de quatre fils à plomb disposés à angles droits, que l'on utilisait pour l'alignement. Ces systèmes d'alignements n'était pas des plus pratiques et, seul, le génie de ces bâtisseurs leur permit de venir à bout des difficultés innombrables qu'ils rencontrèrent sur leur chemin. Lors du passage en tunnel, le guidage se faisait un peu au jugé, ce qui explique peut-être certains zigzag, comme s'ils avaient cherché leur chemin.
Parfois, ils ont préféré contourner l'obstacle plutôt que de le traverser.
A l'arrivée, l'eau se jetait dans un réservoir de distribution à partir duquel un réseau de canalisations desservait toute la ville.
Cette redistribution n'était pas faite au hasard, mais suivant des critères de nécessité. Elle se divisait en trois groupes : l'alimentation des fontaines publiques où tout le monde pouvait s'approvisionner , celle des monuments publics, en particulier les thermes, grands consommateurs d'eau et, enfin, celle des maisons de particuliers suffisamment riches pour s'offrir une alimentation privée. En cas de sécheresse, d'après Vitruve, les besoins collectifs étaient privilégiés. On coupait d'abord l'alimentation des particuliers, puis celle des monuments publics mais jamais celle des fontaines publiques dont, nous dit Frontin, " les intendants veilleront à ce quelles coulent jour et nuit, sans interruption, pour lusage du peuple ", et aussi, " jinterdis à tout citoyen de semparer de leau tombante car il est nécessaire quune partie de leau déborde des réservoirs, tant pour maintenir la salubrité dans notre ville, que pour servir à nettoyer les cloaques ". Il nous apprend encore que " les édiles étaient chargés de nommer dans chaque quartier deux citoyens comme préposés à la surveillance des fontaines ".
Frontin dans son traité intitulé " DE AQUAEDUCTU URBIS ROMAE" (texte intégral ici) nous donne de nombreux renseignements concernants les aqueducs de Rome. Il y a tout lieu de croire que les principes de base étaient valables pour lensemble des aqueducs de lEmpire car pour Frontin " CES ÉDIFICES SONT LA PRINCIPALE MARQUE DE LA GRANDEUR ROMAINE ".
Le problème de l'alimentation en eau était vital pour la ville, aussi existait-il des corporations préposées aux eaux. Ce service était chargé de la surveillance et de l'entretien des aqueducs, mais aussi de toutes les sources traditionnelles d'approvisionnement en eau, comme les puits ou les citernes qui n'ont jamais été abandonnés du temps des aqueducs car ceux-ci pouvaient facilement être coupés ou obstrués en cas de guerres ou de troubles. Ce service des eaux était très important. A Rome, il comprenait plus de sept cents personnes. Malheureusement, nous dit Frontin, les fontainiers eux-mêmes étaient parmi les principaux fraudeurs car ils détournaient les eaux des aqueducs, à lusage des particuliers.
Deux questions restent en suspens lorsqu'il s'agit des aqueducs. D'abord celle de savoir qui les a construits, quels en étaient les maîtres duvre ? Car ces splendides réalisations ne portent généralement pas les signatures de ceux dont nous pouvons aujourd'hui encore admirer l'immense talent. La deuxième est celle de leur coût. La construction des aqueducs de Rome étaient le fait de la volonté du Sénat qui nommait un intendant chargé de la supervision des travaux, lesquels étaient réalisés par des entreprises dont la force de travail était constitué principalement desclaves/artisans. En ce qui concerne les coûts, Frontin nous dit que le prêteur Marcius, nommé par le sénat responsable de la construction dun nouvel aqueduc, reçut 8,400,000 sesterces pour faire venir les eaux jusqu'au Capitole dans ce qui deviendra lAqua Marcia.
Pour clore cette présentation des aqueducs romains, citons cette phrase de Denys d'Halicarnasse: "Au rang des trois plus magnifiques oeuvres romaines, par lesquelles apparaît le mieux la grandeur de l'empire, je place les aqueducs, les voies et les égouts, non pas seulement en raison de leur utilité, mais en raison des dépenses qu'elles ont entraînées".